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Le monde en 3D de Mathilde Nivet, artiste papier

Papier, feuille, ciseaux… l’outillage est simple, le savoir-faire loin d’être simpliste.


Pénétrer dans l’univers de Mathilde Nivet, c’est plonger dans un conte en trois dimensions. Sauf que l’histoire se déroule dans l’univers du luxe et que la mise en scène est en papier. Derrière l’apparence ludique de ses extraordinaires créations se cache une bonne dose d’ingénierie.


Avec ses doigts de fée, le papier se plie à tous les désirs. Des décors de vitrine aux installations éphémères en passant par les campagnes de pub en stop-motion, la magie opère. Mathilde Nivet élève la feuille de papier au rang de matériau architecturé.


Pionnière parmi les paper artists, elle a fondé son atelier avec pour bagage, un cursus en arts appliqués, spécialité textile. Établie à Paris, elle se plaît à expérimenter mille feuilles et mille façons de sculpter le papier. En premier lieu la nature, un thème qui la porte depuis ses débuts avec la constance de celles qui ont des goûts si affirmés qu’il n’est point besoin d’en changer.

Le décor est planté.



Mathilde Nivet artiste papier dans son atelier



Mathilde, présentez-vous en quelques mots


Je m’appelle Mathilde Nivet, je vis et travaille à Paris et je suis artiste papier. Je travaille principalement pour des grandes maisons de luxe françaises, italiennes ou anglaises (NDLR – Louis Vuitton, Dior, Jacquemus, Hermès, Chanel, Hennessy, Chopard, le Printemps, Cartier, By Far, Van Cleef & Arpels…).



Comment définiriez-vous le métier d'artiste papier ?

Le paper art est un savoir-faire autour de la manipulation du papier. Les paper artists créent des structures, des images ou des objets exclusivement dans ce matériau. Quand j’ai commencé (NDLR – en 2007), l’appellation métier n’existait pas encore, mais aujourd’hui, c’est le terme d’usage utilisé par les clients.



Quels types de techniques explorez-vous avec le papier ?


C’est incroyable tout ce que l’on peut faire avec le papier ! Les techniques sont issues de domaines et de cultures très riches. Le Japon est réputé pour l’origami, mais la Chine possède un grand savoir-faire en la matière. Cela dit, les techniques ne sont pas forcément propres au papier. Faire une structure, l’habiller, penser des volumes qui s’articulent relève plus de l’ingénierie. Chaque année, je découvre, je teste et j’affine de nouvelles techniques dans le cadre de mes projets. J’ai par exemple transposé la technique du tissage dans le domaine du papier.



tissage du papier atelier Mathilde Nivet


Comment s’exprime votre style ?


J’ai une écriture assez figurative et un goût prononcé pour le volume et la structure. Les thèmes liés à la nature sont très présents dans mon travail, mais j’aime aussi développer des formes plus géométriques et abstraites. J’ai beaucoup exploré le bas-relief à mes débuts (NDLR - procédé qui consiste à inciser la feuille de papier et à soulever les éléments incisés pour créer du relief). Aujourd’hui, je m’oriente davantage vers la sculpture.



À quoi ressemblent vos journées ?


Prendre un brief, rendre un dossier, présenter un projet, ou donner vie à une idée. Ce matin, typiquement, j’ai dessiné des plans pour fabriquer des éléphants en papier. Mon quotidien comporte aussi des tâches communes aux travailleurs indépendants comme la gestion, la communication… Les semaines les plus denses, je travaille en équipe.



 

La conception d’un décor en 5 étapes


  1. Le point de départ de tout projet commence toujours par une phase de recherche et d’idéation.

  2. Mathilde dessine et conçoit des moodboards pour illustrer ses propositions.

  3. Une piste est sélectionnée parmi les propositions.

  4. Mathilde réalise un échantillon du projet, sous forme de dessin technique ou de prototype, et sélectionne le papier.

  5. La production est réalisée à l’atelier avec deux à dix assistants suivant l’envergure et le délai du projet.


 


Comment vous entourez-vous ?


Le paper art n’étant pas enseigné à l’école, je choisis mes collaboratrices en fonction de mes besoins. Elles sont toutes patientes, minutieuses, à l’écoute et autonomes.

J’ai deux assistantes principales. L’une a fait de la broderie et l’autre a le même parcours que moi. Elles sont très aguerries et possèdent une excellente connaissance du métier. Quand on assure une grosse production, c’est épuisant, mais ce sont des moments de partage très joyeux.





À quoi engage votre activité ?


Ce métier n’autorise pas beaucoup de relâchement, car c’est un milieu très compétitif. Le relationnel est essentiel parce qu’on collabore avec des clients exigeants. L'une des qualités principales pour travailler avec des marques ou des marchés que l’on ne connaît pas dans des délais souvent très courts, est la capacité d’adaptation. Et il faut être créatif évidemment, garder un esprit curieux et se renouveler. Mais aussi savoir relativiser pour garder du recul. Heureusement, le paper art est un domaine à part, où l’on n’est pas très nombreux, où j’ai su trouver ma place et monter en compétences avec les années.

 


Derrière l’image d’Épinal, une réalité métier ?


Les gens imaginent que je fais tout à la main alors qu’en réalité, je suis devant un écran la moitié du temps. En partie pour la gestion des projets et la communication avec les clients, mais aussi pour toute la partie ultra-technique qui nécessite des plans, des patrons et de savants calculs réalisés à l’aide de logiciels.






Le changement climatique a-t-il un impact sur votre activité ?


Mes clients intègrent de plus en plus de papier dans leurs projets, car c’est un matériau recyclable qui répond aux cahiers des charges RSE, ce qui m’ouvre de nouvelles opportunités. Concernant l’approvisionnement, les papetiers se sont diversifiés. Il y a encore 10 ans, l’offre de papier recyclé était réduite. Aujourd’hui, chaque marque a de jolies gammes avec davantage de couleurs.



Comment choisissez-vous les papiers ?


J’aime les papiers plutôt lisses, avec peu de texture. Je travaille différents grammages, tout dépend de l’émotion que l’on veut faire passer. Pour concevoir une fleur, je peux prendre du papier de soie, très léger, alors que je m’oriente sur des papiers plus épais pour les structures architecturées. L’échelle du projet intervient également, une grande installation impose plus de solidité et de résistance.

 


Qu’est-ce qui vous influence dans votre pratique ?


Mes sources d’inspirations sont diverses - de ma fascination pour le monde végétal à ma curiosité pour l’histoire des arts décoratifs, en passant par mon attrait pour le Japon -. Je puise aussi mes idées en observant les gestes et les motifs issus d’autres métiers, comme ceux de la bijouterie ou de la vannerie.

 





Quelle serait l’œuvre qui vous ressemble le plus ?


Ce sont peut-être les jardins suspendus que j’ai réalisés pour la Burlington Arcade (NDLR - près de Green Park à Londres). De loin, on pouvait penser que les fleurs étaient réelles, j’aime ce jeu d’ambiguïté. The English Garden est une œuvre qui révèle plusieurs facettes de mon travail. Il reflète mon goût pour les fleurs et la nature ainsi que mon attachement pour l’Angleterre.

 


Comment transcrit-on l’univers d’une marque avec ses deux mains ?


C’est à la fois un exercice facile et difficile. En général, les marques ont des ADN très marqués avec des possibilités variées, elles ont leurs codes dans lesquels s’inscrire, ce qui oriente facilement la création. Mais c’est toujours un challenge de proposer un nouveau concept au sein de ces cadres très précis.

 


projet papier vitrines noel printemps paris mathilde nivet



Peut-on parler de tendances en ce moment ?


Le dragon, très présent pour le Nouvel An chinois, mais on ne peut pas vraiment parler de tendance, plutôt d’actualité. La fleur est une tendance persistante. Elle est beaucoup utilisée dans les univers féminins et le monde du parfum. En général, les projets sont spécifiques, et tournent autour des collections et des thèmes développés par les maisons.

 


Une envie pour la suite ?


À l’avenir, c’est un vœu pieu, mais j’aimerais bien avoir plus de temps pour développer mes projets personnels. Je prépare une exposition monographique qui aura lieu début 2025. Cette perspective est particulièrement stimulante.



 


carnet adresse mathilde nivet artiste papier


Où croiser Mathilde Nivet, artiste papier ?


Le Palais de Tokyo, Beaubourg et tous les musées d’histoire naturelle.


La Galleria Continua, qui présente une sélection d’artistes hors norme dans une petite galerie du Marais et une ancienne papeterie à Boissy-le-Châtel, près de Coulommiers.


Autour du canal Saint-Martin où se trouve son atelier. ••




Rédaction & photos © Juliette Sebille.

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